Le chemin de fer 1878-1885

La construction de nombreuses lignes secondaires répondant à des considérations plus politiques qu’économiques, notamment à partir des conventions ferroviaires de 1883, accrut le coût de ces opérations, au point d’obliger l ’État à racheter les réseaux de compagnies défaillantes, tels celui des Charentes en 1878 et celui de l’Ouest en 1908. Ces réseaux rachetés formèrent alors ce qu’on appela le Réseau de l’État, ancêtre de la SNCF

La naissance du réseau des chemins de fer de l’État remonte à 1878. À la fois propriétaire d’infrastructure et gestionnaire d’entreprises de transports, l’État Français se trouva écartelé entre la recherche d’une politique globale des transports au nom de l’intérêt général et la défense des intérêts particuliers des entreprises dont il avait la charge.

 

1878 : LE RESEAU FREYCINET

Charles de Saulce de Freycinet est né à Foix en 1828. Polytechnicien, ingénieur des mines, il débute sa carrière en 1852 dans l'Administration des travaux publics  avant de devenir chef d'exploitation de la Compagnie des Chemins de fer du Midi.
A partir de 1862 le ministre des travaux publics lui confie une mission d'étude en Europe.
En 1870 il est collaborateur de Gambetta. Il devient sénateur de la Seine en 1876. Mais c'est surtout en tant que ministre des travaux publics de 1877à 1879 que son nom passera à la postérité.

 

En 1877 le Sénat avait nommé une Commission chargée d'étudier un réseau complémentaire. Le 6 juillet 1878 le Général d'Andigné remet un rapport préconisant les lignes à ajouter au réseau d'intérêt général.
Ce document met en exergue un retard considérable dans le déploiement des réseaux ferrés par rapport à l'Angleterre et  l'Allemagne. Il préconise que 6705 km supplémentaires soit construits pour mieux desservir les régions, assurer des liaisons entre les chefs lieu d'arrondissement, et surtout permettre la concentration rapide des forces militaires.

De son coté courant 1878, Charles de Freycinet, ministre des travaux public, met en place des commissions régionales qui sont chargées de la même étude. Leurs préconisations  qui vont dans le même sens que la commission sénatoriale seront écoutées. Le 4 juin le ministre des travaux publics Charles de Freycinet présente un projet de loi demandant de classement de 6200 km.

Les deux assemblées approuvèrent le projet en l'amendant favorablement.
La loi promulguée le 17 juillet 1879 prévoyait au bout du compte 8868 km de  voies nouvelles. Les projets de lignes sont numérotées. 181 lignes sont inscrites dans le plan Freycinet, dont Saint Girons-Foix (N°162), la liaison le la ligne Pamiers-Foix à la ligne Limoux Quillan (N°163), la liaison de Lavelanet à la ligne Castelnaudary-Carcassonne (N°164), Quillan - Rivesaltes (N°165).
1879 - CONTESTATIONS DE LA MUNICIPALITE DE CASTELNAUDARY
Lors de l'enquête d'utilité publique l'on  voit à Castelnaudary l'organisation d'une contestation virulente de l'avant projet du Chemin de Fer de Lavelanet. Lundi 2 février 1879 M. Fabre maire de Castelnaudary réunit les maires de la plus part des communes de son canton dans l'Hôtel de Ville de sa ville. Ils constituent une commission chargée de proposer un trajet alternatif à la liaison Bram Lavelanet. Le vieux projet de liaison directe via Mirepoix est soutenu. Avantages mis en avant : distance plus courte,  50km au lieu de 61km.(1)
 En définitive conformément à recommandation de la commission Freycinet la ligne Lavelanet Bram sera classée dans le réseau des lignes d'intérêt général. (Loi du 17 juillet 1879).
1880 - RAPPORT DU PREFET DE L'ARIEGE - LIGNES FREYCINET

Lors de la session d'avril 1880 M. Girard préfet de l'Ariège présente son rapport sur l'évolution de différents dossiers. Faisant le point sur les lignes de chemin de fer à établir il utilise la numérotation attribuée par le Plan Freycinet.
Cela permet de cadrer des projets qui avaient  de multiples variante.
Ligne n° 163

D'un point à déterminer entre Pamiers et Saint-Antoine de Foix à un autre point à déterminer entre Limoux et Quillan. La situation est la même que lors de la session d'août. Deux tracés se font échec. L'un, de Saint- Antoine de Foix à Quillan; l'autre, de Pamiers à Limoux. La longueur est à peu près la même dans chacun : 63 kilomètres. Le premier est estimé 14,750,000 francs ; le second, 12,500,000 francs, dans de meilleures conditions techniques. La discussion porte sur le degré d'utilité, qui est appréciée diversement.
Ligne n° 164

De Lavelanet à la ligne de Castelnaudary à Carcassonne. En exécution d'une décision ministérielle du 10 novembre 1879, prise sur l'avis  du Conseil général des Ponts et Chaussées, l'avant-projet d'une ligne de Lavelanet à Bram vient d'être soumis à l'enquête d'utilité publique, dans le département de l'Ariège et de l'Aude.
Le tracé part de Lavelanet, descend la vallée du Touyre jusqu'à la station de Laroque, la quitte pour suivre la vallée de l'Hers par La Bastide, Le Peyrat, Sainte-Colombe, Montbel, Chalabre, Sonnac, Camon, Lagarde, Tréziers et Moulin-Neuf, passant alternativement de l'Ariège dans l'Aude et de l'Aude dans l'Ariège. Il remonte ensuite l'Ambrole, affluent de l'Hers, franchit par un souterrain de 300 mètres le faîte séparatif des bassins des deux mers, au col du Rey, le plus étroit de la chaîne, et se dirige vers Bram en traversant la partie la plus riche et la plus peuplée de la plaine du Razès.
Le parcours total est de 61 kilomètres, dont 20 kilomètres dans l'Ariège, et 41 kilomètres dans l'Aude. La station de Bram est à 16 km de Castelnaudary et 20 km de Carcassonne.
La dépense d'infrastructure est estimée 7300 000 francs. La superstructure et le matériel roulant sont évalués 6 000 000 de francs.
Les stations seraient au nombre de onze : Lavelanet, Laroque d'Olmes, La Bastide sur l'Hers, Le Peyrat, Sainte-Colombe, Chalabre, Camon, Moulin-Neuf, Bellegarde, Belvèze, Cailhau et Montréal, plus une halte à Lagarde.
La partie de Lavelanet à Chalabre est commune à la ligne 163, dans la variante de Saint-Antoine de Foix à Quillan, et la partie de Moulin-Neuf à Cailhau, dans la variante de Pamiers à Limoux
L'enquête d'utilité publique eut lieu du 10 janvier au 8 février dans le département de l'Ariège, et du 15 janvier au 15 février dans le département de l'Aude . La commission d'enquête, dans le département de l'Aude, émit, à l'unanimité moins deux voix, un avis entièrement favorable à l'avant-projet. La dissidence des deux voix ne porte que sur le point d'arrivée à Bram.

La Commission d'enquête dans le département de l'Ariège se prononça, malgré les observations des ingénieurs, pour demander que le tracé se dirige de Lavelanet sur Mirepoix par la vallée du Touyre. Il délaisserait La Bastide , Le Peyrat, Bélesta , Sainte-Colombe, Rivel, Chalabre, Sonnac, Camon et Tréziers. C'était abandonner la partie industrielle et la productive de la contrée..

Le Prefet rappelle, pour appaiser la querelle, que quelle que soit la variante de la ligne n° 163  définitivement approuvée, Pamiers ne peut manquer d'être tôt ou tard relié par Mirepoix à la ligne de Lavelanet à Bram.

M. Doumengou conseiller général de Tarascon, au nom de la Commission des travaux publics, intervient. Il est préoccupé du fait que le projet 163 (Lavelanet-Bram via Chalabre et Moulin Neuf) laisse de coté la ville de Mirepoix. Il propose que le tronçon Lavelanet-Moulin Neuf soit modifié et établi par Laroque, Saint Quentin et Mirepoix

Le sénateur Vigarozy  lui propose que la ligne à partir de Camon se dirige sur Mirepoix puis sur Moulin Neuf.

M. Caussou représentant de Lavelanet demande que la ligne passe par l'Aiguillon pour satisfaire les demandes des communes de Fougax et de Bélesta.

Le président Laborde demande que la discussion soit reportée à la session d'Aout.
 
Lors de la séance du 24 aout le président de la commission Laborde  déclare que conseil général de l'Ariège, à l'unanimité moins une, soutient la ligne sous pyrénéenne Foix-Quillan par Lavelanet. De plus il proteste contre la décision du Ministre d'avoir ordonné la soumission à l'enquête publique du seul tracé Pamiers-Limoux, ce qui serait contraire aux intérêts du département. Il demande de soumettre à l'enquête d'utilité publique conjointement les deux projets.
Vigarozy (Mirepoix) et Fages (Pamiers) s'opposent l'adoption du vœu présenté par le président.
 
1881 - DECLARATIONS D'UTILITE PUBLIQUE
Les deux lignes de chemin de fer Pamiers-Limoux et Lavelanet-Bram sont déclarées d'utilité publique la la loi du 22 aout 1881.
Le ministère des transports autorise l
e 24 novembre la création de deux bureaux , l'un à Mirepoix, l'autre à Sainte Colombe, en vue d'activer les études définitives.
Le Conseil général de l'Ariège offre, par délibérations en date des 27 avril 1881 et 31 août 1881, de payer à l'Etat, pour les lignes de Pamiers à Limoux et de Lavelanet à Bram, une subvention égale à la valeur du cinquième du prix d'acquisition des terrains situés sur le territoire du département.
 
1882 - TRACE APPROUVE
L'Ingénieur en chef Vigouroux remet au préfet de l'Ariège son rapport sur les chemins de fer de Pamiers à Limoux et de Lavelanet à Bram.:
Le tracé est arrêté et piqueté sur toute la longueur des deux lignes. A savoir : 61,460 km de Pamiers à Limoux, et 60,800 km de Lavelanet à Bram, y compris une partie commune de 14,900 km. Les bureaux d'étude préparent en ce moment les projets de traversée et déviation de routes, chemins et cours d'eau rencontrés par le tracé. Des conférences  vont être: ouvertes très prochainement avec le service ordinaire des Ponts et Chaussées et le service vicinal.
Les projets de tracé définitif et de terrassements, destinés à servir de base à l'enquête sur le nombre et l'emplacement des stations, devraient être présentés dans le courant du mois de mai prochain....
Le projet de tracé et de terrassement. est approuvé par décision ministérielle du 21 septembre 1882.
 
1883 - CONCESSION DE LA LIGNE PAMIERS LIMOUX (loi du 20 novembre 1883)
CONVENTION. du 9 juin 1883
Le Ministre des travaux publics, au nom. de l'État, concède à la compagnie des chemins de fer du Midi et du canal latéral à la Garonne, qui accepte, 17 lignes de chemins de fer, à titre définitif, dont :Lavelanet-Bram; Pamiers-Limoux; Quillan- Rivesaltes; et sous réserve de la déclaration d'utilité publique à intervenir, Saint-Girons-Foix.

Les lignes confiées, dans le département de l'Ariège, à la responsabilité de l'Ingénieur en chef Vigouroux, sont : Pamiers-Limoux, et Lavelanet- Bram, La longueur totale est de 108,824 km.

L'enquête d'implantation des stations est arrivée à son terme. Les commissions d'enquête, réunies à Foix et Pamiers, les 23 et 25 juin, ont approuvé les projets, sous la réserve que la station de Lavelanet soit établie au sud de la ville,
avenue de Foix, en bordure de la route nationale n° 117.  Elles ont certainement en tête la jonction avec la ligne projetée entre Foix et Quillan.

1885 - DEMANDE DES HABITANTS DE BELESTA

Dans la séance du 16 avril 1885, du Conseil général de l'Ariège, l'un des conseillers, en son nom personnel, propose une nouvelle fois de modifier le tracé de la ligne.
Au lieu de se diriger sur Laroque d'Olmes,  elle passerait  par L'Aiguillon pour suivre ensuite la vallée de l'Hers. Cette variante desservirait mieux les établissements industriels de la contrée.
Pendant l'enquête publique, 95 habitants de Bélesta, et de Fougax-Barrineuf, avaient déjà demandé cette modification en mettant en avant l'importance la production forestière du canton de Bélesta.
Un seul membre de la commission d'enquête, M. Avignon, appuya cette proposition.
Les ingénieurs auteurs de l'étude réfutèrent les dires des pétitionnaires
"Quoi qu'il en soit, à la suite de la déclaration d'utilité publique (loi du 22 août 1881), le projet définitif de tracé par la vallée de la Touyre et par Laroque-d'Olmes a été approuvé par décision ministérielle du 21 septembre 1882".

Lorsqu'on en vint à fixer le nombre et à l'emplacement des stations, le conseil municipal de Bélesta  revint à la charge.
L'Ingénieur Laurans pour en finir déclara :"Les habitants  de Bélesta ont présenté la même demande lors l'avant-projet. Il n'y a plus lieu de s'en occuper. On doit considérer comme définitive  la décision approbative du projet de tracé et de terrassements. La décision ministérielle du 3 novembre 1883, porte que les stations de la ligne seront Lavelanet, Laroque-D'olmes, la Bastide, etc:, et fixe leurs emplacements"
 

LE CHEMIN DE FER LAVELANET BRAM
Le tracé part de Lavelanet, dont la gare est placée à droite de la route départementale N°5. Il suit le versant droit dé la vallée du Touyre jusqu'à la station de Laroque. Il tourne brusquement à l'Est, franchit le col de Labarre par un souterrain de 300 mètres, descend dans la vallée de l'Hers et suit la rivière tantôt à gauche, tantôt à droite, jusqu'à Moulin-Neuf en passant par la Bastide-sur l'Hers, le Peyrat, Sainte-Colombe, Rivel, Chalabre, Camon et Lagarde. Dans ce parcours, la ligne franchit l'Hers cinq fois et pénètre trois fois dans le département de l'Aude.
Le projet fut scindé en trois lots
 
ler lot — Entre Lavelanet et la fin de la commune du Peyrat : 9,020 km.
Les ouvrages importants, à construire, consistent en un souterrain de 300 mètres de longueur au faîte de Labarre, entre les bassins du Touyre et de l'Hers, et en un pont sur l'Hers de trois arches en plein cintre de 8 mètres d'ouverture.
 
2e lot. — Entre la fin de la commune du Peyrat et la fin de la commune de Sonnac. : 12,510 km
Les ouvrages importants à établir sont : quatre ponts sur l'Hers, dont l'un servira pour l'accès de la station de Rivel et un souterrain de 200 mètres environ de longueur après Chalabre
 

3e lot. — Entre la fin de la commune de Sonnac et le raccordement a Moulin-Neuf avec la ligne de Pamiers à Limoux : 10,138 km
Les ouvrages importants à établir consisteront en un souterrain de 250 mètres environ de longueur et à Camon en un pont sur l'Hers formé d'une arche en plein cintre de 22 mètres d'ouverture

Le département de l'Ariège doit contribuer pour un tiers et celui de l'Aude pour demi dans les dépenses se rapportant aux acquisitions de terrains.
Les emplacements des stations ont été soumis à l'enquête et approuvés par la décision ministérielle du 3 novembre 1883. Les stations dans la partie entre Lavelanet et Moulin-Neuf, sont au nombre de neuf : Lavelanet, Laroque , le Peyrat (Ariège), Sainte-Colombe, Rivel, Chalabre (Aude), Camon, Lagarde et Moulin-Neuf (Ariège). Cette dernière sera commune à la ligne de Pamiers à Limoux.
SOURCES
(1) Observations présentées Contre l'Avant-projet du Chemin de Fer de Lavelanet. Carcassonne, Polére, 1880
Les Chemins de fer. Aperçu historique....Alfred Picard, Paris, Dunod, 1918
 
ISSN : 1626-0139

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20/09/2013