1811 ASSASSINAT JEAN SERIE DE TREZIERS |
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JUGEMENT DE LA COURS D'ASSISE FOIX COUR IMPERIALE DE TOULOUSE |
Napoléon par la grâce de Dieu, et la constitution de l’Etat, Empereur des français, Roi d’Italie, Protecteur de la confédération du Rhin, à tous présents et à venir, salut. |
La cour d’assises de Foix département de l’Ariège à rendu l’arrêt qui suit : |
Vu l’arrêt de la cour Impériale de Toulouse chambre des mises en accusation du 24 aout 1811 qui renvoie devant ladite cour d’assises le nommé Germain Calvel rabilleur habitant la commune de Tréziers Département de l’Aude, prévenu d’avoir homicide volontairement le Sieur Jean Sérié habitant de la même commune. L’ordonnance de prise de corps portée dans le même arrêt et l’acte d’accusation dressé contre le dit Calvel le 31 aout même mois dont la teneur suit. |
Le Procureur Général prés la Cour Impériale de Toulouse expose que par arrêt de la dite cour rendu le 24 aout 1811 par la chambre des mises en accusation , il a été déclaré qu’il y avait lieu d’accuser le nommé Germain Calvel, renoueur(1), département de l’Aude, d’avoir homicide volontairement le sieur Jean Sérié, crime prévu par… l’article 304 du nouveau code pénal….il en résulte ce qui suit : |
Germain Calvel eut, il y a environ deux ans, une dispute violente avec le sieur Sérié, habitant de Tréziers, et ils se seraient lévés des coups de fusil, s’ils n’eussent été désarmés par un Brigadier de la gendarmerie. L’animosité qui régnait entre Calvel et Sérié était causée par le mécontentement que celui-ci éprouvait des visites que Calvel faisait fréquemment à la Dame Sérié , qui le recevait publiquement, malgré son mari, lorsqu’il se trouvait absent ; et qui, dans le temps où il se trouvait à Tréziers, se rendait très souvent chez Calvel, pour lequel elle a avoué la préférence qu’elle lui accordait ; les observations de Sérié ne produisant aucun effet sur la conduite de sa femme ; elle protesta que Calvel était venu avant lui , Sérié, dans la maison de sieur Clergue son pére, chez qui elle logeait, elle continuerai de le recevoir et le recevrait encore lorsqu’il n’y serait plus lui-même. |
Calvel de son côté annonça la résolution qu’il avait formée de fréquenter la maison de la Dame Sérié, quelque opposition que voulut y mettre le sieur Sérié. |
Chassé de chez lui par les chagrins qu’il éprouvait de l’inconduite de sa femme, le sieur Sérié abandonna sa famille et se rendit en Espagne, où il parvint au grade d’officier des Douanes. |
Le désir de revoir sa famille, l’ayant ramené à Tréziers, où il se proposait de passer une quinzaine de jours, il fut fort mal reçu par la Dame Sérié qui s’empressa dès son arrivée d’en faire part à Calvel, qui lui recommanda de n’avoir aucune sorte de fréquentation avec son mari et de ne point coucher avec lui, ce que cette Dame lui promit. Pour exécuter cette promesse, elle relégua le sieur Sérié dans une alcôve particulière, où se trouvait un lit, dont elle fit sortir une partie des effets qui le composaient, pour les remplacer pour les remplacer par d’autres de qualité très inférieure. |
Le sieur Sérié s’étant aperçu que Calvel, malgré sa présence s’introduisait dans sa maison, à l’aide d’une clef de la porte du jardin qu’il possédait, annonça que s’il continuait d’y venir, il tirerait un coup de fusil. Un frère de Calvel ayant en dispute le sieur Sérié, Germain Calvel fut vu excitant son frère à frapper le dit Sérié, et prenant une pierre pour l’en frapper, un individu l’ayant retenu, il laissa tomber la pierre et marqua le plus grand désespoir de ne pouvoir se venger, en assurant que le dit Sérié ne le porterait pas loin. |
Dans une occasion Calvel suivit les traces du sieur Sérié ne voulant point s’arrêter dans une métairie où il soignait et dans une autre s’étant rendu dans une métairie où se trouvait le sieur Sérié, il épiait le moment où celui-ci en sortirait. |
Le 31 mai dernier, le sieur Sérié ayant à traiter une affaire avec le sieur Gournac prêtre demeurant à Saint Quentin, fut détourné par son fils de prendre son fusil, lorsqu’il partit pour s’y rendre. Il tarda pas à s’en repentir, puisqu’il manifesta à un témoin la crainte qu’il éprouvait tandis qu’il était sans armes, de se voir attaquer par Germain Clavel , avec qui il était plus brouillés que jamais. Cela dans le même temps annonçait que l’inimitié qu’il portait à Sérié encore augmentée, depuis qu’il était revenu d’Espagne, et que s’il n’avait pas pris la précaution de marcher continuellement avec fusil, il ne la craindrait point. |
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Le sieur Sérié passa à huit heures du soir du même jour et s’arrêta auprès de la métairie de la Fouiche (1) et parla à quelques personnes qu’il promit de voir avant son prochain départ. Un moment après qu’il les eut quittées, les bergers entendirent du coté où il devait passer pour se rendre chez lui, des cris de haï, haï, haï, qu’ils prirent pour ceux de quelques autres bergers, qui les avaient poussés en s’amusant. |
Vers cette même heure Calvel fut vu sur le sentier que devait suivre et qui suivait en effet le sieur Sériés, il était armé d’un bâton, de la grosseur d’un manche de bèches. |
Le lendemain matin premier juin, un cadavre ayant été aperçu dans la rivière de l’Hers, et du côté de la commune de Lagarde, le premier suppléant du juge de paix du canton de Mirepoix, s’y transporta accompagné de deux officiers de santé ; le cadavre ayant été retiré de l’eau fut reconnu par un grand nombre de personnes qui se trouvaient présentes pour être celui du sieur Jean Sérié et était vêtu d’un habit noir, qui ne tenait que par une manche et se trouvait même repliée jusqu’à l’avant-bras, d’un pantalon de velours bleu d’un gilet de piqué à cadrille, d’une ceinture de soie rouge, d’une chemise de percale, d’un mouchoir de soie noire qui lui serrait extraordinairement le col, et d’une paire de bottes dont une avait sorti jusqu’à la moitié de la jambe. Il parut, d’après la manière dont l’habit et cette botte furent trouvés à moitié tirés, que celui qui avait trainé le sieur Sérié dans la rivière l’Hers, l’avait pris successivement par deux endroits. |
Le cadavre ayant été déshabillé, il fut reconnu que l’index de la main droite avait été coupé entrés grande partie et qu’il ne tenait que par une petite portion des téguments, que les veines jugulaires étaient très gonflées et la figure tuméfiée d’un volume extraordinaire et noirâtre. Qu’il avait une paie contuse pénétrant jusqu’au péricrâne de la longueur de deux cent cinquante millimètre, située sur l’angle postérieur et inférieur du pariétal et partie de l’occipital du coté droit, et une seconde plaie contuse pénétrant jusqu’à l’os de la longueur de cinq centimètres environ sur le coté opposé de la tête et sur la partie moyenne latérale externe de la cuisse gauche un gonflement considérable qui faisait paraitre d’un quart plus volumineux que la cuisse droite. Le tout paraissant avoir été fait avec un corps contondant ; que les coups portés à la tête avaient pu occasionner la chute et l’évanouissement du sieur Série, qui devait avoir été jeté dans l’eau, où il avait dû terminer ses jours. |
Les recherches qui furent faites ensuite par plusieurs témoins, aux environ du lieu ou le corps du sieur Sérié avait été trouvé firent découvrir, dans une pièce de maïs, trois endroits ou l’on remarquait que la terre avait été foulée comme si des gens s’y étaient roulés ; il fut même trouvé des cheveux à l’un des endroits. La rivière l’Hers n’ayant que très peu d’eau, puisque le corps n’en était couvert qu’à moitié, il ne fut pas douteux que le Sieur Sérié y avait été jeté et n’avait pu s’y noyer. |
Les soupçons se portèrent sur la famille Calvel et particulièrement sur Germain, dont l’inimitié contre Sérié était généralement connue. Ils acquirent une plus grande importance, lorsque l’on apprit qu’il avait manifesté le dessein de se venger du sieur Sérié ; qu’il avait été vu, la soirée du meurtre, armé d’un gros bâton , vers le lieu où le meurtre avait été commis ; qu’il était rentré chez lui vers huit heures quoi qu’il prétendit s’être couché à sept heures et demie et qu’il invoqua le témoignage de son frère Etienne sur ce fait, et lorsque celui-ci se tut sans répondre ; que se dernier, peu de jours, après se félicita de ce que son frère Barthélémy s’était trouvé absent, lors de la mort du sieur Sérié, et ajouta que Germain aurait dû rester plus tranquille; que Germain Calvel avait menacé la servante du sieur Sérié de son ressentiment si elle disait ce qu’elle pouvait savoir, et qu’enfin il avait assuré que le sieur Sérié s’était noyé et qu’on ne trouverait aucune blessure sur son corps. |
Malgré l’intérêt que Calvel prétendait avoir pour ce qui concernait la famille Sérié, il ne se transporta point à la rivière de l’Hers, lorsqu’on apprit que le sieur Sérié y avait été trouvé noyé, il n’a pas paru depuis dans sa maison, lorsque l’on dit qu’il fallait donner avis au juge de paix de Chalabre de la découverte du cadavre, il répondit que cela regardait le juge de paix de Mirepoix, parce qu’il se trouvait bien du côté de Lagarde :et cependant il n’avait point paru sur le lieu. Dans la matinée du 1er juin le dit Calvel s’est vanté, depuis son arrestation, que s’il était rendu à la liberté, il tuerai quatre individus qui avaient déposé contre lui. Calvel a nié, qu’il n’eut jamais eu aucune liaison criminelle avec la Dame Sérié ; qu’il eut menacé de tuer le sieur Sérié, et qu’il eut …avec un bâton dans la soirée du 31 mai dernier. |
En conséquence de l’exposé le dit Germain Calvel, renoueur, âgé de trente et un an, domicilié à Tréziers, département de l’Aude est accusé d’avoir homicidé volontairement le sieur Jean Sérié habitant le même lieu, crime prévu par… qui portent une peine afflictive et infamante fait au parquet le 31 aout 1811. |
Pour le Procureur Général Impérial Montané substitut signé. Vu aussi le Procès-Verbal de la remise de la personne de Germain Calvel dans la maison de justice du Département du onze septembre 1811 et la déclaration du jury de jugement de ce jour sur les questions à lui remises par Monsieur le président de ladite cour d’assise, laquelle déclaration porte : 1° Oui, l’accusé est coupable d’avoir commis le crime avec toutes les circonstances comprises dans le résumé de l’acte d’accusation. 2° Non il n’a pas commis le crime avec préméditation. A Foix le vingt quatre novembre mille huit cent onze. Pons chef du jury Caubére Président, Badouix commis greffier. La Cour après avoir entendu Monsieur Montané Procureur Impérial Criminel, et vu que la date du crime dont il s’agit est antérieure à la mise en activité du Nouveau code pénal dans le département de l’Ariège Condamne ledit Germain Calvel à vingt années de fort et au remboursement envers l’Etat des frais auxquels la poursuite et la punition de son crime ont donné lieu. Conformément à l’article 8 du titre 2 de la 2eme partie du code pénal du 6 octobre 1791 et à l’article 1er de la loi du 18 Germinal an 7 dont il a été préalablement fait lecture par le Président de la Cour et qui sont ainsi conçues : Article 8 l’homicide commis sans préméditation sera qualifié Meurtre et puni de vingt années de fer Loi du 18 Germinal an 7 article 1er Tout jugement d’un tribunal criminel, correctionnel ou de police portant une peine quelconque prononcera en même temps en faveur de la République, le remboursement des frais auxquels aura donné lieu la poursuite des crimes et délits. Caubére … que la taxe de Justice liquide en la somme de deux mille sept cent trente-sept francs quarante-cinq centimes. Article 28 Quiconque aura été condamné à l’une des prises de fer, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, avant de subir sa peine, sera préalablement conduit sur la place publique de la ville où le jury d’accusation aura été convoqué. Il sera attaché à un poteau placé sur un échafaud, et il y sera exposé aux regards du Peuple, pendant six heures, s’il est condamné à la peine de fer ou de la réclusion dans la maison de force ; pendant quatre heures s’il est condamné à la peine de Gène ; pendant deux heures s’il est exposé à la peine de la détention. Au-dessus de sa tête
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Condamné à vingt ans de Bagne Germain Calvel fut enfermé au bagne de Rochefort sous le matricule 1079. Il y mourût âgé de 41 ans. |
(1) Germain Clavel était renoueur. Marechal ferrant, comme expert en ce métier il savait soigner et guérir les animaux. Cette pratique, du même ordre que celle des rebouteux, faisait qu'on le qualifiait de renoueur, rabilleur, rabeline. Ce savoir empirique se transmettait de génération en génération. Il devint quelques décennies plus tard la "bête noire" des vétérinaires diplômés. |