DEUMIE MARECHAL FERRANT A TREZIERS POURSUIVI PAR LES VETERINAIRES DE L'ARIEGE

Pierre Deumié originaire de Fenouillet du Razès épouse à l'âge de 25 ans en 1841  Claire Calvel héritière d'une lignée de forgerons habitant rue de la Bourdette à Tréziers Il va reprendre la forge.
Son frère Pierre jeune à épousé quelques années plus tôt Pauline Louise Carrié héritière de Maillenc-Espert, propriétaire du château de Tréziers.
 

Pierre Deumié s'engage dans les affaires communales, il est élu au conseil municipal. En 1848 il est caporal à la garde nationale de Tréziers.
En 1852 il est adjoint au maire. Pour le seconder à la forge il à des garçons forgerons. En 1858 Jean Grazelle, en 1861 Jules Delrieu...
 
Au delà de son activité de forgeron Pierre Deumié est un talentueux maréchal ferrant qui soigne les animaux de ferme. A Tréziers et aux alentours on le sollicite volontiers lorsqu'un animal est malade
 

.
Il est en concurrence avec les vétérinaires de la région qui le jalousent.
On désigne son activité, qui fait de l'ombre aux des diplômes officiels, d'empirique. Depuis la mise en place de structures officielles ils sont de moins en moins tolérés. On leur interdit de traiter tout animal atteint de maladie contagieuse.
 
La médecine vétérinaire depuis l'Empire avait progressé. Cependant les élèves sortant des écoles vétérinaires allaient de préférence dans les villes et ne s'intéressaient presque exclusivement aux chevaux. Dans les campagnes étaient établis des maréchaux experts. Par décret de 1813 on avait autorisé les vétérinaires diplômés à avoir des aides, apprentis à qui ils pouvaient délivrer un certificat de capacité. Ceux ci allaient ensuite s'établir à la campagne avec le titre de maréchaux-experts et payaient une patente. Puis des empiriques parvinrent à se faire patenter.
Ces deux catégories sans diplômes étaient plus connus dans les campagne que les vétérinaires.
En 1825 la loi donna un avantage aux vétérinaires diplômés, en les autorisant à poursuivre
 

 
Dans les années 1870 une épidémie de morve, due à une bactérie, se développe dans la région. Contagieuse pour les humains elle est de déclaration obligatoire. C'est dans se contexte que Pierre Deumié va étre dénoncé. Surveillé, les gendarmes de Mirepoix vont l'arrêter. Il s'était rendu dans la commune de Belloc  au hameau de Liffart
 

 
 

Les empiriques ont-ils le droit de traiter les maladies contagieuses ?

 Jugement du tribunal Correctionnel de Pamiers.

 

A l'audience publique du tribunal de première instance, séant à Pamiers, du 22 avril 1879, tenue pour les affaires de police correctionnelle, par MM. Pelon, président, Lacube et Pauly, juges

En présence de M- de Sarrieu, procureur de la République, demandeur; suivant exploit de Cantié, huissier à Chalabre, en date du 14 mars 1879. Visé pour timbre et enregistré, et Pierre Deumié, maréchal-ferrant, demeurant à Treziers, département de l'Aude, prévenu :
1° - d'avoir, dans le courant du mois de janvier dernier, à Laroque-D’olmes (Ariège), traité plusieurs animaux attaqués de maladie contagieuse et pestilentielle sans en avoir fait la déclaration à la municipalité
2° - d'avoir traité ces mêmes animaux sans être pourvu du diplôme de vétérinaire, d'autre part.

A l'appel de la cause, M. de Sarrieu, procureur de la République, a exposé que, par l'exploit sus-énoncé, il avait fait citer le susnommé pour l'audience du 25 mars dernier, par devant le tribunal, à la présente audience, pour se défendre en raison de la prévention ci-dessus indiquée.

Puis le commis-greffier a fait lecture du procès-verbal dressé à la charge dudit prévenu, le 19 janvier dernier, par M. le commissaire de police de Mirepoix.

Ensuite, il a été procédé à l'audition des témoins, hors la présence les uns des autres, témoins produits par le ministère public. Avant de déposer, lesdits témoins ont fait serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ; ils ont dit n'être parents, alliés, ni domestiques du prévenu, et le prévenu a été interrogé.

Le commis-greffier a tenu note des déclarations des témoins et des réponses du prévenu.

Puis, l'affaire s'est continuée aux audiences des 1er et 22 avril courant.

Le ministère public a résumé l'affaire et requis contre le prévenu l'application des articles 4 de l'arrêt du Conseil du 16 juillet 4784, 10 de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 25 avril 1874, et 471 no 15 du Code pénal.

Le prévenu a présenté ses moyens de défense.

Puis le tribunal, après avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes :

Attendu qu'il résulte des débats et de l'aveu même du prévenu, à l'audience, que, dans le courant du mois de janvier dernier, au hameau de Liffart, commune de Belloc, ledit prévenu avait traité un bouvillon atteint ou suspect d'être atteint de maladie contagieuse et pestilentielle, sans qu'il fût pourvu du diplôme de vétérinaire ; qu'il a ainsi contrevenu à l'arrêté de M. le préfet de l'Ariége du 25 avril 1874, dans son article 10, et encouru, par suite, l'application de l'article 471, n° 15, du Code pénal  

Mais attendu qu'il est résulté des certificats qui ont été fournis aux débats que le prévenu a non-seulement dit à la femme Gaynié, propriétaire du bouvillon atteint ou suspect d'être atteint de maladie contagieuse, de faire la déclaration de cette maladie aux autorités municipales de la commune, mais que lui-même en avait donné avis à M. le maire de cette commune ; qu'il y a dès lors lieu de relaxer le prévenu sur ce chef de prévention

Par ces motifs, le tribunal, jugeant publiquement en séance correctionnelle et en premier ressort, relaxe le prévenu quant au délit pour non-déclaration à la municipalité ; le déclare, au contraire, coupable d'avoir, dans le courant du mois de janvier dernier, à Belloc, traité un animal atteint ou suspect de maladie contagieuse, sans être pourvu du diplôme de vétérinaire, et, pour réparation, le condamne à 5 francs d'amende.

Le condamne, en outre, par corps, au remboursement des frais liquidés à 18 francs 16 centimes, en ce compris le timbre, l'enregistrement, etc.

Fixe, quant à l'amende et au paiement des frais envers l'Etat, la durée de la contrainte par corps à quatre jours. Le tout, par application des articles 471 15 du Code pénal, 194 du Code d'instruction criminelle, 2 et 9 de la loi du 22 juillet 1867, dont lecture a été faite par M. le président, et qui sont ainsi conçus :

Art. 10 (Arrêté du préfet de l'Ariège du 25 avril 1874). —

Défense est faite à toute personne non pourvue du diplôme de vétérinaire de traiter un animal atteint ou suspect de morve ou de toute autre maladie contagieuse.

Art. 471 n°15 du Code pénal. — Seront punis d'amende, depuis 1 franc jusqu'à 5 francs inclusivement, ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement faits par l'autorité administrative, etc...

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par les juges qui l'ont rendu et par le commis-greffier.

Signés : Pélon, président ; — Lacube, Pauly, juges ; — Grilh, commis-greffier.

Pamiers, le 8 mai 1879.

 

 
SOURCES
De la nécessité et de l'opportunité d'une loi sur l'exercice de  la médecine vétérinaire civile. Leblanc Urbain (1796-1871)
Journal consacré à laine vétérinaire et comparée à l'Economie rurale ...Ecole vétérinaire de Toulouse, 1ere série Tome IV Toulouse