Les baux fixaient avec précision la manière dont le fermier devait conduire
les cultures. En 1847 comme en 1860 ils prescrivaient : « les terres
composant le domaine seront exploitées comme elles l’ont été jusqu’à ce
jour, c’est à dire par trois soles. Les assolements seront dans l’ordre le
mieux établi dans le pays. Aucun changement ne pourra être apporté … »
Le bail de 1866 est encore plus précis. On y devine la main de Marius Deumié
ancien élève de l’école d’agriculture de Grignan qui secondait son père.
« Le fermier devra laisser à la fin de son bail quatorze hectares en
prairies artificielles, en plein rapport. Deux hectares et demi seront en
luzerne. Les prairies naturelles ne pourront être défrichées sous aucun
prétexte. Les huit hectares de la plaine des Canounges, parcelle portée sous
le N°3293 du plan cadastral, devront être prêtes à recevoir la semence de
blé. Ces terres seront préparées par trois labours au moins. Le fermier
peut y semer du maïs sur une étendue de trois hectares. Dans ce cas, il
s’obligera à donner les deux binages nécessaires pour tenir la terre propre
et sans herbe.
Le champ dit de Boulzanne, ainsi que la plaine y attenant, devront aussi
être prêts à recevoir la semence de blé ou de seigle. C'est-à-dire qu’ils
devront être fumés au premier octobre et avoir reçu trois labours. Toutes
les parcelles, devant être fumées, le seront d’une manière convenable et
d’une suffisante quantité. Le bailleur se réserve le droit d’en faire
effectuer la vérification, avec compte rendu écrit, pour avoir recours en
indemnité contre le preneur
Quatre hectares de prairies artificielles seront défrichés à la fin du bail
et devront avoir reçu trois labours pour recevoir la semence.
Il est convenu que tous les labours seront terminés au quinze septembre. La
dernière année du bail les attelages, bœufs et juments, seront à disposition
du bailleur à partir du 1er octobre.
Les vignes seront taillées et cultivées selon l'usage du pays. Les prés
seront tenus nets et bien fauchés, les clôtures bien entretenues et les
fossés bien curés pour garantir les terres des inondations »
Le troupeau et autres bétails ne pourront sous aucun prétexte entrer dans
les bois non autorisés à la pâture et dans les oseraies. Le preneur pourra
émonder tous les arbres susceptibles de l'être afin de faire de la ramille
ou fagots de feuillage, pour l’alimentation du troupeau de bêtes à laine. En
1847 en contre partie de cet usage le fermier s’engageait à planter tous
les ans cent peupliers communs pour fournir la feuillée destinée au
troupeau
Les bois, breils, oseraies et rivages sont réservés par le bailleur. Comme
ils sont en petite quantité, le preneur ne pourra en couper même pour
l'entretien des charrettes ou charrues, sans la permission expresse par
écrit du bailleur.
En 1847 il fut convenu que le bois mort et le mort bois appartiendraient au
fermier pour son chauffage. Toutefois les pièces aptes à être rabotés en
poteaux ou chevrons reviendraient à Espert. Les arbres morts devaient être
remplacés immédiatement par d'autres de la même espèce.
Il est une prescription que l’on retrouve dans tous les baux : « les foins,
fourrages et pailles récoltées sur le domaine y seront consommés ou
convertis en fumier ou en engrais sans qu'il soit permis au preneur sous
aucun prétexte que ce soit d'en distraire ou vendre aucune part. Les pailles
de Tréziers seront engrangées et converties en fumier dans les granges et
écuries de Tréziers et celles d'Autajou dans les granges et écuries de la
dite métairie »
Le château possédait la quasi-totalité de la plaine
de l’Hers. Se protéger des dégâts dus aux inondations était la priorité de
toujours. Le bail précisait les responsabilités de chacun : « les
réparations à faire pour contenir dans son lit la rivière l'Hers, qui borde
une partie des terres affermées, seront toutes à la charge du bailleur. Il
incombe au preneur de transporter à ses frais les matériaux nécessaires.
Néanmoins il ne sera pas tenu de fournir plus de trente jours de charrettes
à bœuf par année. Il est arrêté à cet égard qu'elles ne seront pas exigibles
une fois l'année écoulée. Si le bailleur le juge approprié il pourra les
employer à d'autres travaux ».
Espert avait fait construire à ses frais un chemin qui facilitait l’accès à
la plaine. Il entendait lui conserver son statut de voie privée. Aussi
veillait-il à ce que soit prévu dans le bail une clause conservatoire : « Le
preneur sera tenu d'entretenir en bon état le chemin qu'a fait construire le
bailleur, pour l'exploitation de son domaine, sur un pré au midi du château,
de ne l’utiliser que par temps sec et n'y laisser passer personne d’autre
que les domestiques ou les bestiaux. Si cette convention n'était pas
observées exactement, le bailleur pourrait faire fermer le chemin sans
indemnité pour le preneur ». Ces prescriptions concernant le chemin de l’horte
vont perdurer bien longtemps après la mort d’Espert. Au début du vingtième
siècle cette voie était encore interdite aux personnes étrangères au
domaine.
Le propriétaire du château de Tréziers veillait à ce que l’on respecte un
certain nombre de ses privilèges. Parmi ceux-ci, un particulièrement
convoité, le droit de chasse. Régulièrement il rappelait au fermier que ce
droit de chasse lui appartenait exclusivement, en propre. Il se réservait la
possibilité d’en faire bénéficier ses parents et ses amis.
Il revendiquait aussi le droit de parcourir librement les terres du domaine
et de cueillir dans les vignes du raisin pour sa consommation.
En tout temps le fermier devait tenir à la disposition d’Espert un ou deux
chevaux de trait ou de selle, au choix de celui-ci. Il devait aussi fournir
gratuitement un local, la litière et le fourrage, pour les chevaux des
personnes en visite au château.
Espert avait le droit de prendre la volaille, les
œufs et les pigeons dont il avait besoin pour sa consommation, en les
payant au cours du marché de Mirepoix. A l'expiration du bail le colombier
devait être garni de trente paires de pigeons en état de produire.
Il se réservait aussi le jardin situé au couchant de la « hiére ». Le
fermier devait lui fournir le fumier nécessaire. Le bail prévoyait qu’il
pouvait, s’il le désirait, en laisser la jouissance au fermier. Dans ce cas
celui-ci l’entretiendrait et ferait tailler les arbres par un homme de
l'art. Mais alors Espert pourrait prendre au verger et au jardin les fruits
et légumes dont il aurait besoin.
En 1866 Pierre Deumié se réserve la nouvelle vigne ou mailheul au lieu
appelé La Casteille. Le fermier devra lui fournir le fumier nécessaire.
A l'expiration du bail le fermier s’engageait à rendre au propriétaire
trente deux tonnes et demi de fourrage, soit en foin, trèfle ou esparcette.
En 1860 et en 1866 la quantité est moindre : quinze tonnes et demi
Enfin, en signant le bail, le fermier reconnaissait avoir reçu les grains
nécessaires aux semailles et le salaire des métayers. Cela représentait en
1847 quarante hectolitres de blé de semence, trente hectolitres d'avoine,
trente six hectolitres de maïs ainsi que dix hectolitres de vin du cru. A
l'expiration du bail ces grains et vins devaient être rendus en nature à M.
Espert, de la même quantité et qualité.
Les inventaires successifs indiquent les instruments agricoles mis à la
disposition du fermier. Ils montrent l’évolution des techniques culturales.
Dés l’origine la dotation était de quatre charrettes à essieu de fer. S’y
ajoutait un tombereau à bœuf à essieu en bois. Il sera remplacé en 1847 par
un plus moderne à essieu de fer.
Pour retourner la terre il y avait en 1847 six charrues en bois. En 1866 il
est noté cinq charrues en fer et deux charrues en bois en bon état. Elles
sont tirées par des attelages de bœufs ou par les juments pour les terres
les plus meubles. A cet effet on dispose pour les bœufs de six jougs et cinq
paires de courroies, pour les chevaux de deux colliers et leur jouasse. Une
chaîne en fer dite « coupladou» permet de doubler les attelages.
Pour préparer la terre dés 1847 on trouve un "émottier" triangulaire garni
de pointes en fer et une herse en bois. En 1866 on note une herse avec
trente cinq pointes en fer.
A partir de 1860 le dépiquage se fait au rouleau en pierre traîné par quatre
chevaux sur l’aire devant le château.
Dés 1847 il était utilisé un ventilateur pour séparer le grain des bales.
La suite de l’inventaire reprend dans le désordre toute sorte d’outils ou
accessoires. Une machine en bois, à deux manches, garnie de fer avec ses
crocs, appelée vulgairement « risportoune », servait au transport de la
terre. On y trouve : quatre chevilles en fer pour les charrettes, un croc en
fer pour arracher le foin, cinq houes en bon état, une bêche anduzat, cinq
tridents, quatre grilles pour faucher les blés, deux paires de fargues avec
leurs enclumes, cinq paires de mouchettes vieilles pour les bœufs, deux
civières, quatre bridons dont trois en cuir blanc. Il y a aussi des mesures
d‘un quart et demi-quart d’hectolitre pour les grains, une échelle en fil de
fer pour nettoyer les grains, deux vieilles échelles en bois, un grand
crible dit « passadou ». S’y rajoutent pour le besoin du chaix, treize
barriques dont sept en bon état. Elles offrent une capacité de vingt trois
hectolitres. Il y a aussi une cuve avec son fouloir. Dans l’écurie on trouve
une grande caisse qui contient l’avoine destinée aux chevaux. L’étable
dispose de douze chaînes en fer avec leur collier pour attacher les bœufs.
En 1883 trois familles travaillent au château. Deux sont métayers : Pons
François et Loubes François. Le berger Michel Clerc qui habite une petite
maison à proximité de la bergerie place de L’Houmet.