CURES SOUS L'ANCIEN REGIME


Le curé plus qu’un guide de la paroisse

 

Dans la paroisse de Tréziers, comme dans toutes les petites communautés rurales, le curé avait bien davantage de responsabilités à assumer que la seule mission sacerdotale.

Son champ d’activité s’étendait du religieux au profane. Il réglait la vie des communautés. Tout au long de l'année, la grand-messe du dimanche et les offices, les multiples fêtes religieuses rythmaient la course du temps et la succession des jours.

Le repos dominical était de règle. Ce jour là, il n’était pas question, pour les paysans qui composaient la grande majorité de la population, d’aller travailler aux champs. Jusqu’au début du vingtième siècle toutes les activités s'arrêtaient. En 1850 le règlement de police municipale affiché à Tréziers prescrivait encore : « Les cabarets devront être fermés tous les dimanches et jours de fêtes pendant les offices religieux »  

Les grandes fêtes chrétiennes de Noël, Pâques et la Toussaint marquaient les grandes périodes de l'année. Elles étaient l'occasion de grandes réjouissances qui réunissaient les familles.

La Saint-Martin d'hiver, le 11 novembre, était la fête du saint patron de la paroisse. Elle avait une valeur toute particulière. Toute la parenté, oncles, tantes, cousins, cousines, venant des villages environnants, se retrouvait autour d’une table bien garnie.

C'était aussi l’époque de l'année où quantité de fermiers, de laboureurs, de bergers, de travailleurs de tous métiers, changeaient, qui de métairie, qui d’employeur. Au château de Tréziers comme aux métairies d’Autajou, de La Redonde ainsi qu’à la borde du Cazal, de nouveaux fermiers arrivaient. Ils remplaçaient ceux qui partaient vers un nouveau bail.

Jusqu’au milieu du vingtième siècle, ce jour restera réservé à la fête du village

 

Le curé comptable des hommes et des âmes

 
Sous l'autorité de l'évêque de Mirepoix le curé était tout à la fois le représentant de l’Eglise et le commis du Roi de France. Comme homme d’Eglise, il était le pasteur de la paroisse. Il devait conduire le troupeau des âmes sur le bon chemin et empêcher les brebis indociles de s’égarer et de se perdre.
 
Pour le compte du Roi il était chargé du dénombrement des sujets du Royaume. Depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 15 août 1539 le Roi de France, François 1e,r, avait fait obligation aux curés de consigner dans des registres, les baptêmes et sépultures. Il avait aussi rendu obligatoire l'usage du français pour rédiger tous les actes juridiques.
 

En mai 1579 Henri III, par l'ordonnance dite de "Blois",  avec l'accord du Concile de Trente, y ajouta l'obligation d'enregistrer les mariages. La présence de quatre témoins, deux pour chaque époux, est exigée. Les bans durent être publiés, trois dimanches consécutifs, lors de la grand-messe, dans les paroisses des fiancés.
Ces registres de catholicité appelés de nos jours, registres des baptêmes, mariages et sépultures (BMS) sont les ancêtres de notre Etat civil. Leur mise en place, qui se heurta à beaucoup de résistances, prit plusieurs décennies.
De nombreuses autres ordonnances royales furent promulguées avant d'aboutir à des documents sans lacunes. Celle promulguée par Louis XIV le 3 avril 1667 à Saint Germain en Laye améliora le système en ordonnant la tenue de deux registres. L'un restait à la paroisse et servait à apporter la preuve de la bonne administration des sacrements, l'autre était versé au greffe de justice, qui était une institution civile. La paroisse de Tréziers déposait cet exemplaire à la sénéchaussée de Limoux.

Ces ordonnances mirent bien du temps avant d'être convenablement appliquées dans le diocèse de Mirepoix.

Pour la paroisse Saint-Maurice de Mirepoix les premiers registres datent de 1597. Ils débutent en 1611 à Lagarde, en 1633 à Camon et en 1692 à Roumengoux.
 

A Tréziers les premiers enregistrements d’actes commencent en novembre 1658. Les registres qui nous sont parvenu sont en très mauvais état. Ils datent quasiment de la mise en place de la sénéchaussée de Limoux. Cette organisation administrative nouvelle avait été établie avec beaucoup de difficultés, aux dépends de celle de Carcassonne. Le deuxième exemplaires des registres y étaient archivés.

Si à Tréziers les registres de catholicité furent le plus souvent correctement tenus, il n’en fut pas de même pour d’autres paroisses du diocèse.

A Corbières, par exemple, le curé semblait faire preuve de beaucoup de désinvolture. La situation s’était tellement dégradée qu’en 1759 le greffier du Présidial de Limoux écrivit à l'évêque de Mirepoix. Il s’étonnait de ne pas avoir reçu les registres des années 1739 et 1741, ainsi que ceux allant de 1747 à 1755.

Ce laxisme eut parfois des conséquences assez fâcheuses. Lorsqu’en 1777 Barthélemy Fauré, habitant du hameau de Laillet, songea à prendre épouse, l’abbé Marquié, curé de Saint-André de Corbières, ne trouva pas trace de son baptême dans les registres paroissiaux. Sa catholicité ne pouvait être établie. Il n’était pas question de publier les bans. Barthélemy ne pouvait convoler car il n’existait pas pour l’Eglise. L’abbé demanda ses instructions à l’évêque de Mirepoix, Monseigneur François Tristan de Cambon. Le secrétaire diocésain lui répondit qu’il convenait de rechercher des témoins afin d’établir la filiation et la catholicité de Barthélemy. Plusieurs habitants de Laillet et de Corbières certifièrent alors qu’il était bien le fils de Gabriel Faure et de Françoise Douce son épouse  et qu’il avait été baptisé. Le registre paroissial fut annoté en conséquence. Barthélemy put alors se marier.

 

Dans leur version la plus aboutie ces registres sont un instrument incomparable pour reconstituer les liens familiaux :

 « Dans l'article des baptêmes, sera fait mention du jour de naissance, et seront nommés l'enfant, le père, la mère, le parrain et la marraine. Aux mariages seront mis les noms et surnoms, ages et qualités et demeures de ceux qui se marient. Y assisteront quatre témoins, qui déclareront sur le registre s'ils sont parents, de quel coté et à quel degré.

Dans les articles de sépultures sera fait mention du jour du décès… Les baptêmes, mariages et sépultures seront en un même registre, selon l'ordre des jours, sans laisser aucun blanc.

Aussitôt qu'ils auront été faits, ils seront écrits et signés. A savoir, les baptêmes, par le père, s'il est présent, ainsi que les parrains et les marraines. Les actes de mariages, par les personnes mariées et par quatre témoins. Les sépultures par deux des plus proches parents ou amis qui auront assisté au convoi. Si aucun d’eux ne sait signer, ils le déclareront, et ils seront de ce interpellés par le curé ou le vicaire, dont il sera fait mention »

 

Les curés ne furent plus libres d'utiliser des liasses à leur initiative et convenance pour chaque catégorie d'acte. Ils durent enregistrer baptême, mariage et sépultures dans un registre unique, coté et signé par le juge royal.

Au fil du temps les contraintes de l’administration royale se durcirent encore davantage. Bientôt il fallut utiliser des liasses de papier timbré. En fin d’année il était effectué une copie. Elle était déposée au greffe de Limoux. Tous les frais de constitution des registres restaient à la charge de la paroisse. Ils étaient réglés par la « fabrique » sur les fonds affectés à l'entretien de l'église.

Les registres de 1695 portent le sceau de la Généralité de Toulouse marqué à la valeur de seize deniers. Celles de 1700 portent un sol quatre deniers.

 

 

 A Tréziers, vraisemblablement par mesure d'économie, on voit certains recteurs réduire la forme des actes à la plus simple expression. Ils faisaient fi des ordonnances royales. Pour les mariages, afin de faire plus court, ils ne portaient ni la parenté ni les témoins. Les sépultures indiquaient seulement le nom du défunt et la date de la conduite au cimetière. Il arriva même, pendant quelque temps, que par économie de papier, l'écriture devint minuscule, atteignant la limite de la lisibilité. 

Sous le règne de Louis XV l'ordonnance de 1736 apporta une dernière amélioration. Elle demandait l'enregistrement simultané des actes sur deux registres. Il n’y avait plus copie. Les deux eurent valeur d'acte authentique.  

Autre fonction du curé : être le représentant du Roi dans sa paroisse. A la grand-messe du dimanche il lisait ou faisait lire les ordonnances royales.

Lorsqu’en 1723, à la demande du Roi, le marquis Gaston Charles Pierre de Lévis doit dénombrer ses possessions dans la seigneurie de Mirepoix, il en est fait la publication, pendant trois dimanche de suite, à la grand-messe. Le curé était chargé de rédiger le certificat de publication qui fut transmis au juge mage de Limoux.

C'est aussi à la fin de l’office dominical qu’étaient annoncés par le baile du marquis de Mirepoix les ventes ou les changements de mains.
 

C'était le curé qui agréait, la sage-femme, que les paroissiens allaient quérir pour assister leurs épouses en passe d'enfanter. Il choisissait, parmi ses paroissiennes, une femme pratiquante de bonne moralité.

Lorsque celle-ci était appelée dans une maison elle prenait garde de ne pas oublier le flacon rempli d’eau bénite. Si le nouveau-né se trouvait en danger de mort elle le baptisait avec l’eau. Elle récitait la prière consacrée. De nombreux témoignages de cette pratique nous sont restés.

La mention du baptême de précaution était portée dans le registre paroissial. Ainsi le 13 mai 1686 le recteur Granier baptisa en l'église Saint-Martin de Tréziers le fils de Jean Gély métayer du château. Il porta sur le registre : « le sacrement du baptême lui avait été appliqué à la maison devant le danger de mort par la sage-femme qui est Guillalme Faure »

Dans les cas les plus urgents le curé se déplaçait auprès de l’accouchée. En 1726 le recteur Montsarat note : « un garçon et une fille jumeaux, fils du sieur Jean Trinchant et demoiselle Antoinette Lasalle, sont nés le 17 août  et se trouvaient en danger de mort. L'eau du baptême leur a été donnée par nous curé soussigné. Le garçon est mort le 18 du mois. Les cérémonies du baptême et les saintes huiles furent appliquées à la fille le lendemain à qui l'on donna le nom de Jeanne Rose »

 

ISSN : 1626-0139

 

15/10/2010

 

mail to : faure.robert@wanadoo.fr

 

Retour menu

mail to : Robert Faure