LA PROPRIETE SOUS L’ANCIEN REGIME |
Les reconnaissances seigneuriales de 1759 et de 1763, dont un exemplaire est conservé par les archives municipales, nous permettent de percevoir la structure juridique du terroir de Tréziers quelques années avant la Révolution. |
En
droit féodal, la reconnaissance était pour les roturiers l’équivalent du
dénombrement pour les nobles. Le dénombrement était noble. Il était du,
soit au Roi, soit au suzerain. Le vassal énumérait les droits et les
possessions qui composaient son fief. Cet acte complétait l’aveu qui
liait le vassal au suzerain. |
Dans les reconnaissances le tenancier, qui n’était pas noble, « reconnaissait » les biens et droits tenus de son seigneur. Dans les terres où le roi était en paréage (1) , c’était le cas le marquisat de Mirepoix, les reconnaissances seigneuriales intervenaient après que le Roi eut fait procéder au dénombrement. Il en existait de deux espèces, les générales et les particulières. |
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Au préalable,
peu de temps avant, une assemblée des chefs de famille était convoquée.
Elle élisait ses délégués, chargés de procéder aux reconnaissances
générales devant représentants du seigneur |
En 1763 à Tréziers l’assemblée se tient en présence de Guilhaume Tournier avocat. Elle est composée de dix habitants : les deux consuls Jacques Seigné et Jean Bonnéry et de huit « hantes et contribuables faisant la plus grande et saine partie de la communauté » (Charles Clergue (bourgeois), Michel Bennet (Baile), Jean Mareilles, Jean Soula, Paul Planet, Jean Mounié (ou Monié) François Raynaud, François Vié). |
Il y avait alors quatre vingt douze emphytéotes, ou familles, qui exploitaient les terres de Tréziers. Ils étaient titulaires d’un bail emphytéotique (à vie entière). On le voit, l’assemblée était composée seulement de notables. Le procès verbal est sur ce point explicite : ils sont « hantes et contribuables faisant la plus grande et saine partie de la communauté » Quatre représentants sont choisis : Jacques Seigné, le premier consul qui habite le hameau d’Ennaude dépendant de la paroisse de Lagarde ; Jean Bonnéry second consul et Charles Clergue bourgeois, tous deux résidents au village de Tréziers. Le quatrième est Jean Roussel de Laillet paroisse de Corbières. |
La reconnaissance générale fut organisée le lundi 14 mars 1763 après midi à Mirepoix par Maître Pierre Ségala notaire royal de Cintegabelle. Il était assisté de Maître Letu de Mirepoix, notaire et tabellion du marquis de Lévis. Dans l’acte qui fut rédigé, les délégués de la communauté de Tréziers reconnaissent comme seul seigneur Louis Marie François Gaston de Lévis, marquis de Mirepoix Léran et autres places. Ils déclarent qu’il détient la plus grande partie de la directe du lieu. |
Les reconnaissances particulières, elles, se déroulèrent sans discontinuer du lundi 14 mars au mardi 19 avril 1763. Les notaires recevaient deux emphytéotes par jour, l’un le matin, l’autre le soir. Il y eut quelques retardataires. Le curé Caraben et le sieur Acher, seigneur de Cahuzac, vinrent seulement en mai. Le dernier à se présenter fut le sieur Roques, époux de Dame Patronille Trinchant seigneur du château de Tréziers, pour les biens roturiers de la métairie d’Autajou qui dépendaient de Lévis. Il attendit janvier 1764. |
Chaque chef de famille était accompagné de témoins. Il énumérerait et décrivait ses parcelles Il donnait leur nom, indiquait leurs limites et la nature des cultures. Il précisait la superficie. Il devait justifier l’origine de sa tenure en présentant éventuellement les titres. Les notaires prenaient aussi attachement les redevances et les sujétions auxquels les biens étaient soumis. |
Les reconnaissances intervenaient assez régulièrement, en particulier, à chaque changement de tenancier. Elles étaient dues au marquis de Mirepoix pour toutes les terres qui n’étaient pas nobles. Les biens faisant partie du château ou de la seigneurie de Tréziers en étaient exclus. Pour eux il y avait dénombrement et aveu. Pour les parcelles dépendant du fief de Tréziers les titulaires en faisaient reconnaissance au seigneur de Tréziers. Ce fut le cas en 1759. Soixante et un habitants reconnurent un peu plus de deux cents parcelles à la Dame Patronille Trinchant. |
Les tenanciers étaient liés au seigneur par un bail à emphytéose perpétuelle. Ce bail à « vie durante » concédait la propriété utile(2) du bien. L’emphytéote pouvait le louer à un tiers. Il pouvait aussi le grever d’une rente annuelle en le donnant à « locatairie perpétuelle » En 1759 François Méric dit Perry tient une pièce de terre à Pech Calvet en « locatairie perpétuelle » d’Alexandre Sutra tanneur à Mirepoix. Pour ce champ il paye le bail à Sutra et la censive au marquis de Mirepoix. |
Le marquis de Mirepoix percevait un certain nombre de droits et de redevances attachées à la terre.
En premier
lieu, on lui devait une rente annuelle, la censive. Elle était établie,
pour chaque parcelle, une fois pour toutes. Elle était formulée le plus
souvent en monnaie : livres, sols, deniers. Quelques fois elle était
exprimée en denrées : orge, blé, gelines, chapons. Comme les parcelles
étaient généralement très petites, il était souvent utilisé, lorsque
c’était nécessaire, des fractions d’unité. L’addition de ces censives
élémentaires déterminait la somme à payer.
La censive
devait être portée au château de Lagarde pour la Toussaint. |
Les taux d’imposition des censives étaient assez disparates. Pour des parcelles d’un même lieu, de superficie et de qualité comparables, on voit souvent des variations qui vont du simple au double. Des pièces de terre situées à La Faure, au sol argileux et de qualité inférieure, voient leurs taxes trois fois plus élevées que d’autres parcelles de superficie équivalente situées dans la riche plaine alluviale de l’Hers. |
Autre source de revenus pour le marquis de Mirepoix, l’agrier. Il était égal au douzième des produits de la terre. Après les récoltes il devait être mis à la disposition des commis du seigneur, dans les champs. Il arrivait qu’il soit fixé en quantités de blé, d’orge, de volailles, ou bien encore en monnaie.
Les taux
usuels du marquisat de Mirepoix étaient généralement plus élevés que
ceux de Tréziers Souvent le dixième ou le neuvième des récoltes était
exigé(3) |
Des parcelles pouvaient être possédées en indivision par plusieurs emphytéotes. C’était généralement le cas après une succession. En 1759 un champ et un breil situés en bordure de la rivière de l’Hers sont détenus par douze personnes de la famille Bonnéry de Malematte. Les parcelles pouvaient être vendues. Dans ce cas il y avait mutation de la dominité utile. Les acquéreurs étaient tenus de faire publier cette vente par le baile du seigneur, après la messe paroissiale, cela pendant trois dimanches consécutifs. Lors du changement de tenancier, le seigneur prélevait le droit de lods. Il était égal au douzième de la vente. Ce droit était censé rétribuer l’approbation du seigneur. Lods vient du latin laudare (approuver)
Pour les
biens nobles le marquis de Lévis prenait le droit de quint et de requint.
Il s’appliquait d’office aux bois et forets qui étaient par nature
nobles. |
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ISSN : 1626-0139 |
15/10/2010 |
mail to : faure.robert@wanadoo.fr
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