DE L’USAGE DES COMMUNAUX

 

Depuis des  « temps immémoriaux », comme il est acté dans les reconnaissances seigneuriales, les habitants de Tréziers bénéficiaient d’un droit de pacage sur certaines parcelles. Cet usage se conserva après la Révolution.

Dans le premier quart du dix neuvième siècle la municipalité fut contrainte à investir pour loger le curé. Le budget communal devint de plus en plus lourd à équilibrer. Le maire chercha à améliorer les ressources financières en valorisant au mieux le patrimoine foncier.

A partir de 1828, le pacage dans les communaux devint payant. Il fut établi un  « droit de licence » pour les animaux autorisés à y paître. Il s’élevait à dix centimes par mouton. Les agneaux en étaient exemptés. Cette taxe sera étendue en 1836 aux « bêtes à corne et animaux de trait ou de monte ». Ils payèrent cinquante centimes.

 

La plupart des parcelles étaient assez éloignées du village. La fraude était aisée. Rapidement la nécessité d’embaucher un garde champêtre se fit pressante. Il aurait la mission de vérifier que pour les bêtes présentes sur les pacages la taxe ait bien été réglée. Par la même occasion il pourrait faire respecter l’interdiction d’abattage des arbres. Le maire Pierre Maillenc Espert, proposa d’engager Bernard Planet. Il était déjà depuis quelque temps son garde terre particulier au château de Tréziers. Aucun conseiller n’y vit d’inconvénient. On vota au garde champêtre un salaire annuel de douze francs or.

Jean Malvieille le remplaça en 1835. La rétribution fut portée à cent francs. Peut être considérait-on que contrairement à son prédécesseur il travaillait désormais à plein temps pour la commune. Il était âgé de quarante huit ans, vingt cinq ans de moins que son prédécesseur. On attendait beaucoup de lui.  Les conseillers furent-ils déçus ? Avait-on été trop généreux ? Deux ans plus tard ses appointements seront ramenés à douze francs.
 

Au fur et à mesure que l’on avance dans le siècle, les besoins d’argent de la commune deviennent de plus en plus pressants Au moment même où la municipalité décide l’achat du presbytère, il lui faut rétribuer le curé et l’instituteur. On se résolut à abolir l’usage gratuit des communaux. A partir de 1840 ils seront loués au mieux disant. D’abord furent mis en fermage les terres du Bac et du Castillou, respectivement six hectares et de deux hectares. L'année suivante c’est le « vacant de Bonnery » qui est donné à bail pour neuf ans. A leur terme ces baux seront reconduits.

Vingt ans plus tard la location touchera pratiquement tout le domaine communal. Dimanche 6 mai 1860 après midi c’est la foule des grands jours devant la mairie. L’on procède à la mise aux enchères des communaux du Bac et de la Serre. Cela représente plus de neuf hectares. Les affiches avisant le public ont été placardées à la mairie pendant trois dimanches consécutifs. Elles précisaient que le contrat d’affermage était de neuf ans et qu’il s’agissait de terres en friches, propres à la dépaissance.

Maître Bosc, notaire à Peyrefitte du Razès, consigna les opérations dans un acte (1)  Le maire Joseph Bénet, assisté de son adjoint Pierre Deumié, conduisit les opérations. Le bureau était complété par le conseiller Jacques Raulet et le receveur des impôts de Saint-Benoît, Simon Rousseau.

 

L’adjudication fut âprement disputée. La règle voulait que trois bougies soient éteintes avant qu’une enchère puisse être définitivement attribuée.

A la première bougie, Louis Cazal de Tréziers établit le prix à cinq francs. A la deuxième Louis Roussel de Corbières proposa six francs. Jean louis Fabre renchérit à la troisième. Plaçant la barre bien plus haut, il offrit soixante dix francs. Par cette audace, les compétiteurs furent estomaqués. La bougie suivante s’éteignit sans nouvelle proposition. Avant de pouvoir attribuer le lot, le maire alluma une ultime bougie. C’était la règle. Surprise, un téméraire, qui jusque là s’était tu, leva la main. C’était Jean Lannes du hameau de l’Espagnol. Il offrit de cinq francs de mieux. L’enchère reprit de plus belle. Une sixième bougie fut allumée. Fabre reprit l’avantage avec cinq francs de meilleur.

A la septième, on vit encore cinq francs de plus, proposés par Roussel. Avec les trois bougies suivantes, la lutte continua. C’était un bras de fer entre Roussel et Fabre. A la dixième Fabre prenait définitivement l’avantage avec cinq francs de mieux. Cela poussait l’enchère à cents francs. Les trois bougies suivantes s’éteindront sans qu’il n’y ait de mieux disant.

Le bail des communaux du Bac et de la Serre fut concédé à Jean Louis Fabre pour un loyer annuel de cents francs

 

En 1871 le conseil expérimente une nouvelle recette pour mieux valoriser les communaux, la vente des produits végétaux. A cet effet les clauses des nouveaux baux devienent plus restrictives. Seul reste autorisé, le pacage des animaux. La commune se réserve « le bois, les bruyères, les genêts, les fougères et autres petits arbrisseaux ». Ils pourront être vendus en lots distincts.

Le 26 novembre 1871 le maire propose la mise aux enchères « de la litière qui peut se couper » au communal du Castillou. Dans son exposé il est assez prudent. Il espére en tirer au moins douze francs par an. Divine surprise, la première enchère, qui a lieu le 28 décembre, rapporte neuf cents francs. Encouragé par ce résultat on décide que désormais le premier dimanche de décembre sera réservé à cette vente. Le bureau chargé de la diriger sera composé du maire et des deux adjoints.

Une formule identique sera appliquée aux ventes de coupes de bois. La première enchère concernait le communal de Bonnéry. C’est Hyacinthe Bonnéry qui l’enleva, pour trente deux francs. Le produit fut affecté à la réparation du mur du cimetière qui s'était écroulé.

 
La municipalité chercha à améliorer le rendement fiscal. Les baux étaient soumis à des frais d’enregistrement chez le notaire, payés par le loueur. Ces taxes, qui n’étaient pas négligeables, grevaient les recettes, ce d’autant plus que les contrats étaient de courte durée. Afin de diminuer leur poids, il est décidé en 1873 de ne consentir que des contrats de longue durée, de neuf ans en règle générale.
 
A la fin du dix neuvième siècle la municipalité permit à nouveau aux habitants de Tréziers d'aller couper les bruyères et autres arbustes dans les communaux. Cependant il y fut mis des conditions. Ce ne pouvait être que pour le seul usage personnel et non pour la vente. Il était interdit d'amener des pics ou des pioches pour arracher la végétation.
 

Vers le début du vingtième siècle la location des friches communales intéressait de moins en moins de monde. Les uns après les autres les baux furent résiliés.

En 1907 le maire, Pierre Faure, s'en alarma. Les recettes étaient passées de soixante neuf francs en 1899 à vingt cinq francs en 1907. Il eut l’idée de donner un nouvel élan aux enchères en les ouvrants aux personnes ne résidant pas au village. Il comptait attirer de nouveaux preneurs et d’aiguiser ainsi la concurrence.
Le résultat fut probant. En 1909 tous les lots furent attribués. Le Castillou fut affermé à Jean Bauzou pour vingt cinq francs, la Genévrière d'Autajou à Louis Faure pour huit francs, la Serre à Jean Léonce pour un franc, la friche de Boulzanne à Pech de Moulin Neuf pour dix francs cinquante. En 1810 les communaux du Bac et de la Serre furent loués à d'Esperonnat pour vingt cinq francs. Cela représentait au total soixante neuf francs. On était revenu au niveau de recettes de vingt ans plus tôt.

 

En 1931 une tempête qualifiée d’exceptionnelle endommagea les toitures de la mairie, du presbytère et de l'église. Le conseiller Osmin Luga proposa de financer les réparations en vendant des coupes de bois. Le 13 décembre les enchères sont ouvertes. Le bois du Castillou est mis à prix à vingt francs. Le dernier enchérisseur sera Jean Pastor pour six cents francs.
 
La dernière opération d’envergure concernant la valorisation des communaux date de 1982. Le Conseil Municipal fut réuni pour examiner l’offre d'une société toulousaine. Elle cherchait du bois pour la papeterie. Elle souhaitait exploiter la forêt communale. Pour les huit hectares disponibles, en landes et taillis de chêne, elle offrait vingt mille francs. La proposition fut acceptée
 
 
(1) Minutes Bosc Peyrefitte du Razes, Acte 31 année1860, 3E 3718 Archives de l’Aude
 

ISSN : 1626-0139

 

15/10/2010

 

mail to : faure.robert@wanadoo.fr

 

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